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EDUCATION ET AIDE HUMANITAIRE
24 octobre 2009

des conflits qui construisent....

Des conflits qui construisent

La vie familiale n’est pas une oasis de sérénité. Marie-Paule Mordefroid, psychologue, formatrice d’adultes en développement personnel (1), nous rassure : les conflits avec nos enfants sont normaux. À nous de les gérer le mieux possible, dans l’écoute et la fermeté.

Florence Brière-Loth

L’harmonie familiale est-elle une utopie ?

Elle peut être un rêve qui ferait fuir le réel. L’harmonie ne demande pas de se dérober aux conflits. Elle passe par l’acceptation des différends et se construit. La vie familiale engendre sans cesse la confrontation. À cause de l’inter-action entre la famille et la société : «Maman, je voudrais aller voir tel film ! Tout le monde l’a vu, sauf moi», sans compter tous les conflits à propos de l’école. Et parce que la relation asymétrique entre parents et enfants n’est pas une relation d’égalité : le parent a une mission d’éducateur et l’enfant doit construire son identité.

Les différends surgissent non pas d’abord à cause d’une quelconque incompétence parentale, mais de la nature de cette relation, qui porte en elle une part de conflits. Je suis d’ailleurs inquiète : la vie familiale n’est plus assez conflictuelle. Quand les parents ont peur de l’affrontement, ils n’assument pas leurs responsabilités. Nous sommes dans une société qui valorise le lien affectif au point que les adultes craignent de perdre l’amour de leurs enfants et de souffrir.

Des statistiques récentes montrent que l’inquiétude majeure est d’abord la réussite scolaire puis, ce qui est nouveau, la rupture du lien. De ce fait, les parents arrondissent sans cesse les angles. Pour pouvoir aborder les confrontations, il faut se dégager des mauvaises représentations qu’on en a, elles sont souvent liées à la violence, résultat d’une gestion maladroite du conflit.

Pour vous, le conflit est donc non seulement inévitable, mais nécessaire ?

Il est tout à fait nécessaire. Je l’affirme, et pourtant je n’ai jamais aimé les conflits. Là où est la vie, là se trouve le conflit. Ils permettent d’exprimer son désaccord, sa colère, et de rappeler les règles. Ils sont utiles, pour assainir nos relations familiales, apprendre à mieux communiquer, favoriser la croissance de nos enfants et la nôtre.

Je repense à Quentin, 4 ans, qui faisait des scènes épouvantables au coucher. Sa maman a compris qu’elles avaient un lien avec le départ pour plusieurs mois de son père militaire. Le fait de parler de ce départ avec lui a pu désamorcer son inquiétude et son coucher est redevenu paisible. Nous apprenons beaucoup à travers les crises de croissance, à condition de chercher à les vivre du mieux possible. Il n’existe pas de bon ou de mauvais conflit, c’est la manière dont on le gère qui le rend destructeur ou constructif. La capacité de vivre ces différends est le signe de relations saines.

Notre réponse aux conflits dépend-elle de notre histoire et de notre tempérament ?

Face à ceux-ci, j’ai remarqué plusieurs réactions : la stratégie du retrait, «On verra plus tard, c’est fatigant de devoir dire non» ; l’agressivité ou l’autorité qui veut s’imposer absolument, efficace seulement dans l’immédiat ; la manipulation ou encore la conciliation pour maintenir l’unité familiale en refusant la différence. Nous avons tous une façon spontanée de gérer l’affrontement, révélatrice de notre identité et de notre passé. Il ne s’agit pas de culpabiliser les parents. Les frères et sœurs, d’une même famille, ne réagissent-ils pas de façon différente ? Chacun a sa liberté ; même petits, nous faisons des choix.

Peut-on changer sa façon de réagir pour mieux vivre le conflit ?

Il est difficile de changer sa personnalité, mais on peut apprendre à en modérer les aspérités pour qu’elle fasse moins souffrir nos proches, ainsi que nous-mêmes. Déjà, écouter les remarques des autres, à commencer par celles de son conjoint, donne des pistes. Puis il est aussi bénéfique de réaliser que devant l’adversité, nous nous mettons en pilotage automatique, comme si nous étions programmés. Enfin, observer, au moment de la naissance du conflit nos pensées, nos émotions, permet de réaliser combien ces états déforment la réalité. Peu à peu, les parents qui se remettent en cause relativisent certains principes éducatifs qui leur paraissaient absolus. Ils développent des qualités qu’ils avaient laissées de côté. Par exemple : une personne très communicante, très brillante, mais qui ne sait pas du tout écouter, va essayer de développer cette attention à l’autre.

Autre possibilité : si j’ai l’habitude de fuir les différends, je peux apprendre à les aborder petit à petit, en commençant par des enjeux moins importants, dans ma vie conjugale ou professionnelle.

Il est capital de comprendre ceci : si j’arrive à envisager le conflit comme une étape nécessaire et non violente, je vais modifier ma façon de le vivre. Dans la mesure où nous acceptons d’évoluer, nos enfants apprendront à gérer les différends. Si nous les fuyons ou si nous empêchons nos enfants d’exprimer leur désaccord, ils ne sauront pas appréhender les multiples confrontations dont leur vie sera jalonnée.

Comment apprendre aux enfants à affronter les conflits ?

En osant accepter, en tant que parent, le face à face avec nos enfants, admettre d’être le rempart, le butoir contre lesquels ils vont se heurter. Michèle Guy, fondatrice du Cler (2), disait volontiers qu’un adolescent est comme une personne qui monte dans une barque, pour quitter le continent de l’enfance. Pour s’éloigner de la berge, il doit donner un coup de rame sur le bord. Or, si vous, les parents, vous êtes une berge de granit, les enfants peuvent partir. Si vous êtes un marécage inconsistant, ils s’y engluent. En se confrontant à vous, ils font l’apprentissage de la traversée du conflit.

Comment concrètement faire évoluer la relation parents-enfants, dans ces moments de tension ?

Dans cette relation délicate, les parents font sans cesse le grand écart entre des paradoxes : conjuguer affection et autorité, affirmation de soi et écoute, sécurité et prise de risques. En famille, n’est-ce pas à nous de donner le ton ? Notre comportement influence. Il est toujours révélateur de voir une petite fille de 3 ans en train de crier sur sa poupée en imitant les expressions de sa mère. Respecter les enfants est déjà un antidote à la violence. Repérons nos dérapages, tant à leur égard qu’envers notre conjoint.

Attention aussi de laisser la place au père ; sinon, le risque est grand de privilégier un type féminin d’éducation, fondé sur la compréhension, au détriment de la parole ferme, des non catégoriques jugés traumatisants ou agressifs pour les enfants. Pourquoi ? Parce qu’on confond force et combativité avec violence. Enfin, un conjoint aura tout intérêt à éviter de critiquer l’autre en public. Tout cela, en vue d’une bonne construction de l’enfant. Viviane, quelques années après son divorce, m’a confié : «Je paie aujourd’hui le fait d’avoir critiqué le père de mes filles dans les années qui ont suivi notre séparation. Elles savent me le reprocher».

Quel est l’essentiel pour permettre à un enfant de se construire ?

C’est le travail de l’éducation, tout simplement. Comprendre qu’aimer n’est pas uniquement éprouver des émotions et des sentiments, mais vouloir le bien. Cela implique de poser des limites, de se faire respecter, d’exercer une juste autorité, en le vivant dans une relation triangulaire, le parent/l’enfant/la loi.

L’adulte ne fonde pas son autorité sur sa force, mais sur son statut de parent qui lui dicte d’indiquer les règles de la famille et de la société : c’est le troisième terme de la relation. Si Paul ne veut pas mettre son casque à moto, et que son père lui rappelle la loi, ce n’est pas un conflit de personnes dû à la seule volonté du parent, mais une transgression par rapport à un principe extérieur. S’il n’est pas d’accord, ce n’est pas contre la personne de son père, mais contre la règle, au risque d’encourir les sanctions prévues. On sort du rapport de force et le jeune est ainsi conduit à se responsabiliser.

Aidons nos enfants progressivement à s’initier aux réalités du monde, en leur faisant confiance, en exerçant un contrôle qui permet, soit d’étendre cette confiance, soit de la réviser à la baisse, si elle a été trahie.

Comment éviter la transgression des règles familiales par l’adolescent ?

Pour savoir comment agir, les parents ont à comprendre l’enjeu de cet âge : passer de l’état d’enfant à celui d’adulte. Le jeune doit découvrir ce qui est bon dans la loi parentale pour se l’approprier et non plus agir par pure obéissance ou par peur. Agnès a pris l’habitude de prendre un goûter dînatoire vers 18 h pour ensuite aller travailler toute la soirée. Son père ne supporte pas son absence au dîner. Après une explication, ils ont abouti à une solution satisfaisante où chacun trouve son compte. Il est important d’avoir une part de l’adhésion de l’adolescent : cette tranche d’âge n’est plus le moment de la soumission, mais de l’intériorisation.

Cela ne se fait pas facilement et passe souvent par l’opposition et la transgression. Les parents ne respectent pas toujours les étapes qui peuvent précéder la désobéissance : le jeune a d’abord besoin de discuter pour comprendre leurs raisons ; il faut lui reconnaître le droit de ne pas forcément y adhérer et lui permettre de s’expliquer. «Pourquoi n’es-tu pas d’accord avec moi ?» Quand on le lui accorde,

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