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EDUCATION ET AIDE HUMANITAIRE
30 mai 2008

La prostitution étudiante

quelques repères

Une mise au point sur la prostitution étudiante, au moment où la publication d’un témoignage et d’une étude sociologique(1) relance le débat.

Combien d’étudiant (e)s se prostituent ils/elles ?

En 2006, le syndicat SUD-Etudiant, lançait le chiffre de 40 000 étudiant(e)s se prostituant occasionnellement, ce qui devait provoquer un véritable raz-de-marée médiatique. Aujourd’hui, les porte-paroles du syndicat reviennent sur cette estimation et reconnaissent le manque d’éléments « pour pouvoir chiffrer les choses ».
De fait, aucune étude ne permet à ce jour de mesurer l’ampleur du phénomène.
L’Office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRTEH), qui dépend du ministère de l’Intérieur, affirme d’ailleurs  que le phénomène est « largement surévalué » : la prostitution adulte en France étant pratiquée, en hypothèse haute, par 18 000 personnes, comment « croire que la prostitution étudiante est deux fois supérieure, tout en restant peu visible ? »(
2).

(1) E. Clouet,

La Prostitution

étudiante à l’heure des nouvelles technologies de communication, Paris, Ed. Max Milo, 2008 ; Laura D., Mes chères études. Etudiante, 19 ans, job alimentaire : prostituée, Paris, Ed. Max Milo, 2008.

(
2) Propos cité par. A. Bogaert, « Se prostituer pour étudier », Métro, 14 janvier 2008.

Quelles formes de prostitution ?

Il n’en demeure pas moins qu’il existe, en France, une prostitution étudiante, prostitution en majorité féminine (mais un nombre croissant de garçons exerceraient également cette activité) et occasionnelle.
Il s’agit essentiellement d’une prostitution cachée. Si certaines jeunes femmes travaillent dans les bars à hôtesses ou les agences d’escort, la plupart  exercent seules, de manière indépendante, et utilisent internet pour louer leurs services : webcams, photos érotiques, site internet, petites annonces, massages…
Rappelons au passage que le racolage en ligne est strictement interdit et passible d’une peine de deux mois d'emprisonnement et de 3750 € d'amende.

Qui sont-elles ?

  • Des étudiantes dans la précarité : sur les 2,2 millions d’étudiants que compte

    la France

    , 100 000 vivent en dessous du seuil de pauvreté (
    3). Dans ce contexte, le recours à la prostitution est souvent vécu « comme de la débrouillardise ».

  • Des étudiantes sous la contrainte : une partie des jeunes filles qui se prostituent dans des boîtes ont, au moins la première fois, été entraînées par un homme qui leur ont fait absorber des drogues.

  • Des étudiantes « à la recherche d’argent de poche » : certaines jeunes filles se prostituent non par précarité, mais « pour vivre plaisamment », comme l’écrivait une étudiante lilloise sur son blog, ou du moins le prétendent-elles. Certaines appartiennent même à des milieux favorisés. 

  • De fausses étudiantes : aux étudiantes  se livrant de manière occasionnelle à la prostitution se mêlent aussi des « professionnelles », prostituées à plein temps, qui utilisent de fausses cartes d’étudiantes afin de bénéficier d’un statut plus confortable ou/et de papiers réguliers... « Les fausses étudiantes sont peut-être encore plus nombreuses que les vraies » affirme

    la Brigade

    de Répression du Proxénétisme (BRP). En 2004,

    la BRP

    démantelait un réseau de prostituées marocaines : « Elles avaient toutes leur carte d’étudiante. Mais elles n’ont pas dû passer beaucoup de temps à la fac ; ça permettait à leur mac d’avoir une couverture et à elles d’avoir un titre de séjour », déclarait alors Guy Parent de

    la BRP

    (
    4).

Un engrenage destructeur.

« Au début, ça m’a choquée, et puis petit à petit, je m’y suis habituée, confiait une jeune femme au Figaro en octobre 2006. Je me suis dit que ce n’était pas si dur ».

La prostitution devient rapidement un engrenage. L’argent est facile et il en faut toujours plus. C’est ce qu’explique Laura D. : « Quand on se prostitue une fois, on souffle financièrement. Mais ça crée une addiction à l’argent. Donc quand le porte-monnaie est vide, on repense à cette solution. Y penser, c’est déjà être dans l’engrenage » (5).

Et cet engrenage devient rapidement  un processus destructeur :

une dualité (double vie / double personnalité) difficile à vivre. Quelques témoignages : « J’étais anesthésiée, comme s’il y avait un clivage entre mon corps et moi » (6 ) / « Je suis Docteur Jekyll et Mister Hyde. En journée, je suis une étudiante en droit, sérieuse et motivée… Mais j’ai le sentiment d’être à des années lumière des autres étudiants… » / « Je dissocie complètement mes passes de ma vie normale. J’ai deux vies, j’ai deux visages, et aucun état d’âme » (7) ;

risque de perte de contrôle de la situation : « Je m’en suis rendu malade, perdant 27 kilos en moins d’un an… Les cours, je ne pouvais plus les suivre, mais on me les apportait… », raconte un étudiant lillois de 19 ans (8) ; et, à terme, risque d’installation dans une prostitution régulière.

Se prostituer pour survivre ?

La précarité suffit-elle à expliquer la plongée dans la prostitution ? La plus grande partie des étudiant(e)s en précarité font des petits boulots plutôt que de se prostituer.

On ne se prostitue pas par hasard. Le recours à la prostitution révèle un malaise plus profond. « Si les étudiants basculent, ce n’est jamais seulement un problème d’argent, mais une vulnérabilité, dit Bernard Lemettre du Mouvement du Nid (9).

La plongée dans la prostitution vient souvent en réponse à un « parcours jalonné d’accidents biographiques destructeurs » : maltraitances physiques, violences morales ou verbales, abus sexuels, ruptures familiales, carences affectives… (10).

« Pour basculer dans ce type de rapports, il faut avoir été maltraité ou dévalorisé. On vend son corps quand on lui attribue peu de valeur », déclarait en 2006 Martine Texeraud du Planning familial.

La prostitution des jeunes de 15 à 25 ans

De manière plus large, le débat autour de la prostitution étudiante doit alerter sur les risques prostitutionnels chez les jeunes de 15 à 25 ans.

La banalisation de la prostitution ainsi qu’une fascination pour l’idéologie consumériste poussent en effet un nombre croissant de jeunes, toujours plus jeunes, à entrer dans la prostitution.

Une étude a montré que 25 à 33 % des jeunes qui se prostituent sont des mineurs. Au Canada, l’âge moyen de l’entrée dans la prostitution est de 15 ans et demi. Une enquête menée par

la Fondation Scelles

auprès d’une population de jeunes a mis en évidence que 39% d’entre eux disaient connaître une personne à risque dans leur entourage.

Cette prostitution occasionnelle chez les jeunes de moins de 18 ans, comme chez les jeunes adultes, ne paraît pas toujours être identifiée comme une situation à risques. Et beaucoup ne se reconnaissent pas comme personnes prostituées ou peinent à nommer la réalité de leurs pratiques : « je ne suis pas une prostituée. Une prostituée, c’est une fille sur un trottoir en mini-jupe et qui part avec le premier venu. Moi je choisis » (11).

Pour autant, ce déni ne doit pas cacher que cette effraction de l’intimité est une violence et un traumatisme. Le corps, ou une partie du corps n’est pas séparable de l’ensemble d’un individu. L’argument, selon lequel « ce que je fais d’une main ne touche pas l’ensemble de ma personne » est contesté autant par les psychologues que par les sociologues et les philosophes.

Ce qui est en jeu, dans cette question, c’est l’intimité (ce qui n’appartient qu’à moi), c’est la relation à  l’autre, c’est le respect de l’autre et le respect de soi-même.

Et c’est seulement en apportant aux adolescents et aux jeunes adultes des éléments de discernement concernant les relations homme/femme et en favorisant des attitudes de responsabilité, de prévention et de protection de soi et de l’autre que nous pourrons sensibiliser les jeunes aux risques prostitutionnels.

(3) Chiffre avancé par Jean-Francis Dauriac, dans son rapport sur la situation sociale des étudiants, pour le ministère de l’Education nationale, 2000.
(
4) Propos cité par J.-M. Philibert, « La prostitution gagne les bancs de la fac », Le Figaro, 30 octobre 2006.
(
5) Extrait d’un entretien avec A. Bogaert, « Personne n’est à l’abri », Metro, 14 janvier 2008.
(
6) Propos cité par J.-M. Philibert, « La prostitution gagne les bancs de la fac », Le Figaro, 30 octobre 2006.
(
7) Propos cités par Ingrid Haberfeld, « Etudiants le jour, prostitués la nuit », Le Vrai Papier Journal, juillet-août 2002.
(
8) Propos cité par J. Lécuyer, « Prostitution : quand les étudiants choisissent l’option tapin »,

La Voix

du Nord (édition Lille), 7 février 2007.
(
9) Propos cité par J. Lécuyer, « Prostitution : quand les étudiants choisissent l’option tapin »,

La Voix

du Nord (édition Lille), 7 février 2007
(
10) Extrait du Rapport d’information fait au Sénat, par la sénatrice Janine Rozier, n°34, session 2002-2003.
(
11) Propos cités par Ingrid Haberfeld, « Etudiants le jour, prostitués la nuit », Le Vrai Papier Journal, juillet-août 2002.

Fondation Scelles - 23-01-2008

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