Francoise Dolto

Françoise Dolto (1908-1988) a été une pionnière de la psychanalyse des enfants en France. Catholique, issue de la grande bourgeoisie, elle n'avait a priori aucune raison de s'aventurer sur ce terrain, sauf... qu'elle avait traversé elle-même dans son enfance des périodes de détresse psychologique.

Les femmes ont joué un rôle considérable dans l'apparition de la psychanalyse en France. C'est la princesse Marie Bonaparte, que Freud considérait comme son petit soldat, aussi intrépide que son arrière-grand-oncle, qui a eu l'audace de l'introduire dans un pays réputé réticent à une notion telle que l'inconscient. Et c'est Françoise Dolto qui a fait preuve d'un courage au moins aussi grand en osant l'appliquer aux enfants, et même aux nourrissons.

Cela a commencé au milieu des ricanements, dans la France de l'immédiat après-guerre, qui avait d'autres soucis en tête. Vous avez peut-être regardé lundi 20 octobre en première partie de soirée sur TF1 le téléfilm qui raconte cette naissance. Cela change des niaiseries habituelles de "Joséphine ange gardien". La première chaîne tente, elle aussi, des expériences hardies, qu'on attendrait davantage du service public. "Les bébés ne sont pas seulement des tubes digestifs. Ils ont des yeux pour voir, des mains pour toucher, des oreilles pour entendre", affirme la psychanalyste. "Tu veux dire qu'on devrait s'occuper d'eux en dehors des soins ?", lui demande une amie. "J'ai expérimenté ça à Trousseau. Les infirmières passent deux fois par jour, parlent aux bébés en les prenant dans les bras, en les berçant, cinq minutes, pas plus. Et ça, sans dispenser aucun soin pendant ces moments", répond-elle. L'amie est Jenny Aubry, autre figure fondatrice de la psychanalyse des enfants.

Josiane Balasko est admirable de placidité souriante dans le rôle de Françoise Dolto. Elle écoute plus qu'elle ne parle. Evidemment, le téléfilm n'échappe pas au code génétique de TF1, qui exige un ton consensuel et rassurant. Bien sûr, ce n'est pas en trois séances qu'elle peut lever le blocage de Ben, un préadolescent, fils d'une prostituée et d'un truand, incapable d'accomplir la tâche intellectuelle la plus simple alors qu'il est incroyablement doué pour les mathématiques. Et encore moins la névrose de Claude, fugueur et voleur, dont la mère est morte à Auschwitz. Ces simplifications gêneront peut-être les puristes. Elles n'enlèvent rien à la force de cette évocation, d'autant que les deux très jeunes acteurs, Milan Argaud et Maxime Berger, qui jouent respectivement Ben et Claude, sont extraordinaires eux aussi. Françoise Dolto a été une immense pédagogue. Elle a appliqué toute sa vie la maxime latine Maxima debetur puero reverentia ("On doit le plus grand respect à l'enfant").

Dominique Dhombres