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EDUCATION ET AIDE HUMANITAIRE
12 décembre 2008

C'est toi que maman préfère

Danielle Laporte

Extrait du guide Être parent, une affaire de cœur, Collection parents, Les éditons de l’Hôpital Sainte-Justine, 1999.

Je me souviens d’une scène cocasse, à la maison, un soir de fête avec des amis. À cette époque, mes enfants avaient respectivement trois mois, trois ans et un peu moins de six ans. Vincent, le cadet, avait bien réagi à la naissance de son frère et s’en occupait souvent gentiment. Ce soir-là donc, Vincent se met à questionner mes invités, couple sans enfant, sur leur amour des petits, le pourquoi de leur infertilité, etc. Une véritable enquête en règle. Amusés, France et Yves se prêtent au jeu en souriant. Puis, après avoir réfléchi un bon moment, Vincent déclare : «Si vous aimez les bébés, vous pouvez bien prendre le mien, je vous le donne!» Mon fils a été bien surpris de l’éclat de rire qui a suivi sa généreuse proposition. En fait, il croyait avoir trouvé une solution à sa rivalité fraternelle.

La rivalité fraternelle : une réalité bénéfique

La rivalité fraternelle de l’enfance se transforme souvent en amitié solide à l’âge adulte. Les liens tissés au jour le jour à travers les querelles, l’entraide et la protection sont plus forts que tout.

Les chamailleries entre frères et sœurs sont parfois si agaçantes qu’on en oublie les effets bénéfiques pour les enfants. Une étude a montré que dès l’âge de 2 ans, les enfants écoutaient les signes de détresse des plus jeunes et venaient à leur rescousse plus vite que leur mère. Vers 4 ou 6 ans, les enfants passent deux fois plus de temps avec leur fratrie qu’avec leurs parents ; 30% des échanges entre frères et sœurs sont de l’ordre de la rivalité, mais 70% sont de l’ordre de l’attachement émotif et de la complicité.

Les enfants d’une même famille sont toujours en rivalité pour obtenir l’amour privilégié de leurs parents. Ils sont en perpétuelle compétition, ce qui est bon pour leur développement à condition qu’on les aide à la vivre sans trop d’agressivité. À l’intérieur de la famille, les petits vivent des frustrations qui mènent à des apprentissages. Ceux-ci seront fort utiles aux enfants en dehors de la maison.

De plus, les enfants ont besoin de la présence d’autres enfants et jamais les parents ne pourront remplacer les échanges sociaux entre pairs. Les enfants qui ont des frères et des sœurs peuvent davantage exprimer leurs joies et leurs colères envers leurs parents, ce qui est excellent. Ces enfants sont souvent plus mûrs, courageux, créateurs, plus responsables et sociables que les autres. Si elle est bien contrôlée, la jalousie permet à l’enfant de se dégager des relations parents-enfant et lui donne une sécurité intérieure non négligeable.

Ajoutons à cela que dans les familles où il y a plusieurs enfants, les parents exigent moins de chacun d’eux : ils projettent leurs désirs et ambitions sur plus d’un enfant. Une fratrie est un bien précieux et la rivalité fraternelle est aussi inévitable que profitable.

L’harmonie totale : un mythe

Les parents aimeraient que leurs enfants s’entendent à merveille et partagent tout sans difficulté ; c’est un vœu impossible à réaliser à cause du développement même de l’enfant. Avant 6-7 ans, l’enfant est égocentrique. Il perçoit tout en fonction de ses besoins ; il ne peut donc partager vraiment. Lorsqu’on lui prend un jouet, on lui enlève quelque chose d’essentiel et il ne le tolère pas : il crie, pleure et ne comprend pas le raisonnement de l’adulte qui lui explique le jouet prêté n’est pas perdu pour toujours.

De 7 à 10 ans, les enfants mettent le monde en ordre ; ils rassemblent des collections et font des échanges. On a souvent l’impression qu’ils font du chantage à tout le monde. Il ne faut cependant pas craindre qu’ils deviennent mesquins si on entre dans leur jeu pour régler certains petits conflits en promettant une récompense.

Après 10 ans, les enfants apprennent à faire des contrats, à suivre des règles, à partager des responsabilités. On peut alors faire appel à leur sens de la justice et établir des normes avec eux. Ce n’est qu’à l’adolescence que les jeunes peuvent vraiment tenir compte des autres et acquérir une certaine éthique personnelle.

Le problème, c’est que les enfants d’une même famille, à moins d’être jumeaux, sont d’âges différents. Il faut donc user de beaucoup de tact pour les aider à régler leurs différends et d’assez d’autorité.

Bien des facteurs sont à considérer : sexe de l’enfant, rang dans la famille, écart d’âge entre les enfants. L’aîné a tendance à être plus strict, plus autoritaire, mais c’est aussi un bon professeur pour les plus jeunes. Le cadet a moins de responsabilités et est plus libre, mais il peut se sentir négligé. Le plus jeune est souvent surprotégé et voué à être longtemps le «petit bébé». Pour des raisons différentes, chacune de ces positions favorise la rivalité.

L’écart d’âge idéal entre les enfants n’est pas non plus facile à établir. Très petit, il provoque une grande complicité mais beaucoup de jalousie. Trop grand, il isole les enfants. Le juste milieu semble se situer entre deux ans et demi et trois ans et demi.

Confondre passé et présent

Lorsqu’on élève des enfants, il est impossible de ne pas être directement ou indirectement influencé par sa propre famille. Faites un petit test : lequel de vos enfants avez-vous tendance à défendre davantage en cas de conflit ? Quel rang occupe-t-il dans sa fratrie et quel rang occupez-vous dans la vôtre (rang réel et rang relatif : par exemple, la deuxième des filles ou le premier des garçons) ? Il est difficile de ne pas se projeter dans ses enfants, de ne pas revivre des conflits et de ne pas succomber à une agressivité qu’on croyait oubliée. Le tout est de s’en rendre compte et de ne pas infliger à nos enfants des réactions émotives avec lesquelles ils n’ont rien à voir. La ressemblance physique d’un enfant avec un frère ou une sœur influencera nos attitudes ; il en ira de même avec les traits de caractère semblables à ceux d’un aîné jalousé.

Les erreurs à éviter

- Les rejets et les préférences.
Il est parfois difficile de s’en rendre compte mais, lorsqu’on réprimande ou excuse sans cesse le même enfant, il y a lieu de s’interroger.

- Les comparaisons
Les enfants sont différents et ne doivent pas être comparés sinon l’animosité peut se mettre de la partie.

- Les préférences liées au sexe.
Un garçon ou une fille désirés de longue date sont souvent jalousés par les autres membres de la fratrie.

- Le manque de souplesse.
Une rigidité excessive face à toute manifestation de rivalité accroît cette dernière.

- Le manque de rigueur.
Un laisser-aller complet n’aide pas les enfants à franchir les étapes pour arriver à l’entraide souhaitée.

- L’incohérence.
Si les deux parents n’ont pas une attitude semblable face aux conflits, les dissensions entre enfants peuvent augmenter.

- Le fait de récompenser la rivalité.
Les parents qui, pour éviter les conflits, sont prêts à faire tout ce que les enfants leur demandent, favorisent les conflits. Par exemple, si chaque fois que deux enfants se disputent un jouet, ils en obtiennent de nouveaux, ils se chicaneront de plus belle.

- Les conflits de couple par enfants interposés.
Chaque parent peut utiliser son préféré contre son conjoint, ce qui provoque des guerres entre les enfants.

Traiter les enfants comme des êtres distincts

Il est prouvé que plus les parents prônent l’égalité entre les enfants, plus ils encouragent la rivalité. Il est faux de prétendre aimer tous les enfants également comme il est faux de penser être entièrement juste. Chaque enfant a besoin d’être reconnu pour ce qu’il est. Être juste, c’est donner à chaque enfant l’occasion de développer pleinement ses talents, ce qui peut impliquer des différences considérables et des moyens fort diversifiés.

Quant aux conflits quotidiens entre enfants, il y a moyen de les atténuer et même de les rendre formateurs. Mais, il faut se rendre à l’évidence : ils à la vie de famille ce que les épices sont à la cuisine, c’est-à-dire des stimulants pleins de saveurs et de couleurs dont on ne doit pas se passer.

Petits trucs pour atténuer les rivalités

·                                 Donner à chaque enfant un espace bien à lui (pas nécessairement une chambre mais une armoire de rangement, un coffre, etc.).

·                                 Favoriser et vanter les différences entre enfants. L’égalité n’existe pas mais la supériorité absolue non plus.

·                                 User d’autorité lorsque la chicane commence. Isoler les enfants pour 10 minutes. Ensuite parler avec eux (ou avec le ou les plus vieux) du conflit et leur demander d’envisager des solutions pour le futur.

·                                 Récompenser l’harmonie et non pas la chicane.

·                                 Aider les enfants à cultiver l’empathie (se mettre à la place de l’autre).

·                                 Donner aux enfants une tâche commune.

·                                 Si les conflits sont fréquents et importants, noter dans un «journal de bord» les sources de conflits, les réactions de chaque enfant et autres éléments significatifs pour ensuite préparer un plan d’action.

·                                 Mettre à la disposition des enfants du matériel de jeu qui leur permettra d’exprimer leurs rivalités et d’exorciser leurs colères (marionnettes, papier, crayons, maisons avec figurines, etc.).

·                                 Comprendre et accepter l’agressivité verbalisée, ne pas tolérer les gestes agressifs.

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