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EDUCATION ET AIDE HUMANITAIRE
26 mai 2008

prostitution

Les personnes prostituées

préparé par Carole Wahnoun pour

la Fondation Scelles

© - 30/10/2006

La personne prostituée constitue avec le client et le proxénète l’un des trois acteurs du système prostitutionnel.

Si la prostitution concerne majoritairement les femmes, les hommes n’en sont pas exclus, et particulièrement depuis le début du XXe siècle. En effet, la première mention du mot « prostituée », selon le Dictionnaire historique de la langue française, daterait de 1596 alors que le mot « prostitué » n’est utilisé qu’en 1930.

Déterminer le profil des personnes prostituées est délicat d’autant plus que la vitesse à laquelle les formes de prostitution évoluent est importante. Il est alors aussi nécessaire d’identifier le milieu dans lequel elles se trouvent que les motifs qui les amènent à se prostituer.

1. Etats des lieux

Un dossier de Prostitution et Société, Les politiques publiques et la prostitution indique que « En France, 5000 personnes prostituées ont été contrôlées en 1999, dont 600 à 700 hommes (travestis surtout). L’OCRTEH1 évalue la prostitution de rue en France de 10 000 à 12 000 personnes, auxquelles il convient d’ajouter 3000 professionnelles qui exercent dans les bars à hôtesses et salons de massage. »2

Selon

La Lettre

aux Amis, il existe entre 15 000 et 18 000 personnes prostituées en France dont la moitié à Paris. Elles sont en majorité étrangères (Européennes de l’Est et Africaines).3 La prostitution provient, dans de nombreux cas, du trafic et de la traite d’êtres humains4. Les femmes originaires de pays pauvres sont majoritairement concernées : elles se laissent tromper par leur ami du moment et acceptent de le suivre à l’étranger, étant entendu qu’elles vivront avec lui et travailleront comme serveuse, mannequin ou autre... Mais la réalité sera différente : ces femmes seront vendues à des proxénètes, leurs passeports et papiers d’identité seront confisqués et elles seront forcées à se prostituer sous peine de châtiments physiques qui pourront également s’appliquer à leurs familles restées dans le pays d’origine.

« 200 000 femmes sont victimes de la traite chaque année en Europe, notamment dans les Balkans. »5

De plus, « Sur les 15 000 prostituées exerçant en France, 70% viennent de l’étranger et n’ont pas de papiers [contre 30% il y a quelques années]. Chacune rapporte chaque mois 13 000 euros en moyenne à son mac et, ensemble, environ 3 millions d’euros chaque année en France selon l’Ocreth. »6

Selon Malika Nor, « Le Bois de Boulogne, interdit à la prostitution en

1990, a

été investi par les travestis, majoritairement originaires d’Amérique latine. Les femmes y demeurent cependant plus nombreuses. Le Bois de Vincennes est le territoire d’une centaine de femmes d’origine africaine qui se prostituent dans des camionnettes.

Enfin, depuis 1998, une proportion de plus en plus importante de femmes qui se prostituent vient des pays de l’Est. 300 d’entre elles exercent sur les boulevards de la ceinture périphérique dans les 17e, 18e, 19e et 20e arrondissements. La concurrence qu’elles font aux prostituées des autres quartiers est acharnée puisqu’elles arpentent le trottoir tous les jours de 22 h 30 à 5 h du matin quand, en règle générale, les autres s’octroient une à deux journées de repos par semaine.

Il y a une raison à cette concurrence : sous la tutelle de proxénètes, ces femmes doivent gagner entre 4000 et

5000 F

[770 euros environ] par nuit (à

200 F

[30 euros] la fellation et

300 F

[45 euros] le rapport sexuel) et de façon discrète dans les voitures des clients. Cours de Vincennes, elles étaient une cinquantaine à venir de l’Est en 1998, elles sont plus de 200 en 2000. »
7   

2. Les mobiles prostitutionnels

Il faut d’abord préciser que ce n’est pas une cause unique qui conduit une personne à la prostitution mais un ensemble de plusieurs causes s’ajoutant les unes aux autres. La prostitution est résultat de pressions et de contraintes psychologiques, sociales, familiales, économiques et/ou culturelles. Ainsi selon l’ANRS8, « Il n’y a pas de situation de danger prostitutionnel à l’état pur mais une diversité de conduites à risque prostitutionnel pouvant être expliquées (...) en terme de dominante. Lorsqu’un facteur de risque comporte un point important par son intensité (ex : un inceste ou une grande carence affective), lorsque la situation nécessite une intervention urgente (ex : rencontre du milieu de la prostitution) lorsqu’une situation dégradée se prolonge compromettant la sécurité du jeune (ex : isolement social, absence de réseau de soutien). »9

Des difficultés familiales réelles amènent certaines personnes à entrer dans la prostitution. En effet, les structures ou les suivis familiaux n’existent plus, voire n’ont jamais existé. Selon Claude Maillard, « 29% ont eu des parents divorcés ou perturbés, 16,5% sont nées de mères célibataires, 15% sont orphelines depuis l’enfance ou l’adolescence. »10

Dans les pays d’Europe occidentale, beaucoup de personnes souffrent d'isolement social ou affectif, des jeunes en difficulté croient trouver dans le milieu prostitutionnel une reconnaissance qui leur a manqué, une valorisation exprimée par l'argent. Selon Dominique Dallayrac, « Si l’on pousse plus loin l’analyse, on découvre, chez un grand nombre d’entre elles des frustrations essentiellement liées à leur condition féminine qui ont entraîné leur mise en œuvre de mécanismes de compensation procédant soit par libérations agressives (à l’encontre des parents, de l’ordre établi ou de ses représentants), soit par libérations auto-agressives (mécanismes punitifs à forte coloration masochiste). Il y a, chez certaines, une évidente rébellion contre leur condition de femme ; pour elle, la prostitution apparaît comme une libération, comme une prise de distance par rapport à l’ordre établi dans le jeu des habituels rapports entre hommes et femmes. »11

La prostitution peut donner l'impression de régler les urgences sociales et financières. Elle fournit une illusion de famille, de chaleur, de liberté, de pouvoir (fêtes, cafés, argent rapide, libération des horaires en cours dans la société, etc...).

En Occident, quelques personnes prostituées venues sur les plateaux TV clamer leur liberté occultent de nombreuses réalités quotidiennes. En effet, si certaines peuvent déclarer avoir fait volontairement le choix de se prostituer, ces choix demeurent souvent l’objet d’une manipulation ou d’une dissimulation de la honte par un processus de rejet des règles de conduite sociale. L'envers du décor, le plus répandu, est réservé aux associations de terrain :

- itinéraires souvent brisés, carences affectives, problèmes familiaux, abus sexuels subis, incestes, viols, constituent en majorité les chemins menant, parfois très jeune à la prostitution : « Une prostituée sur deux a eu des contacts avec la prostitution dès son enfance et un tiers a eu une mère ou une parente prostituée. [...] Un tiers des prostituées mineures enquêtées avaient été victimes de viol par des adultes connus d’elles entre l’âge de trois ans et de quinze ans... »12 et « Une grande majorité des prostituées a subi des abus sexuels au cours de l’enfance. Le pourcentage est énorme : 80% »13.

- Les jeunes qui y entrent sont en grande majorité en état d'isolement, de rupture familiale, de précarité économique ou de dépendance aux drogues.

- Le début d’une activité prostitutionnelle est rarement conscient ou délibéré. Un travail déguisé (tournages, séances-photos, petites annonces dans les journaux gratuits), une rencontre avec un groupe à risque (toxicomanes, marginaux), une rencontre amoureuse ou avec une personne qui est déjà dans la prostitution fournit souvent l’occasion à une personne déjà fragile psychologiquement d’entrer dans le milieu... Elle est à peu près toujours envisagée comme provisoire, comme un dépannage avant de devenir, dans de nombreux cas, permanente.

2.1 Les types de prostitution

2.1.1 Prostitution permanente / prostitution occasionnelle

On peut distinguer les personnes prostituées permanentes des personnes prostituées occasionnelles. Tandis que si l’on considère que les trois caractéristiques de la prostitution permanente sont la relation sexuelle, le payement et la fréquence importante de l’activité, il est difficile de définir la prostitution occasionnelle car les manières d’effectuer cette activité et les buts recherchés sont très divers. On peut cependant signaler que la prostitution occasionnelle concerne la plupart des classes sociales. Elle est souvent pratiquée à côté d’une activité régulière officielle afin d’améliorer l’ordinaire de la vie quotidienne et ce, généralement sans souteneur.

2.1.2 Les niveaux de prostitution

La prostitution bon marché se pratique dans les bars, la rue, les studios loués à cet effet attirant le plus souvent une clientèle aux revenus moyens. Parmi ces formes de prostitution, les prostituées de rue comptent souvent une population marginale de drogués, clandestins, travestis... qui se prostituent pour un prix très bas, voire pour payer leur dose de drogue, leur paquet de cigarettes ou leur bouteille de vin.

La prostitution de luxe14 recrute essentiellement des hôtesses ou call-girls ces personnes se prostituent occasionnellement et allient beauté, haut niveau social et culturel. La prostitution de luxe est destinée à une clientèle fortunée et la prostituée de luxe peut passer plusieurs jours d’affilée avec son client. Cependant, la prétendue liberté de la prostituée de luxe reste une illusion car des problèmes financiers plus ou moins importants l’obligent à pratiquer cette activité. De plus, lorsqu’elle en a un, elle reste dépendante des contraintes que son proxénète peut lui faire subir et doit être constamment disponible pour les clients qu’il lui présentera.

Les femmes constituent la majorité des personnes prostituées dans le monde. Ce sont souvent des femmes abandonnées, divorcées et/ou seules. La prostitution devient le résultat d’une pression économique et d’un manque affectif. Il faut d’ailleurs distinguer la prostitution alimentaire dont la cause est économique, de la prostitution d’approvisionnement permettant l’achat de stupéfiants. La plupart des femmes prostituées disent subir leur sort et choisiraient une autre orientation si elles avaient la possibilité de revenir de en arrière et/ou modifier leur situation.

2.1.3 La prostitution masculine

Les chiffres sont très difficiles à établir. Il semblerait voudrait que dans certaines grandes villes françaises, un tiers des prostituées soient des hommes... Beaucoup de garçons commencent très jeunes mais passé 25/30 ans, ils deviennent trop vieux pour poursuivre cette activité.

Lorsque les hommes ont des relations prostitutionnelles hétérosexuelles, ils sont considérés comme des gigolos. Mais le plus souvent, leur identité sexuelle est floue : certains sont homosexuels. On assiste également à la montée des travestis. Aussi, chez les hommes, la relation prostitutionnelle homosexuelle est-elle la plus courante.

Il existe en outre des transsexuels, qui ont subi des opérations ou des traitements aux hormones pour féminiser leur corps. Cependant, les vrais transsexuels sont rares. Nés hommes, ils se sentent psychiquement femmes. Leur but est d'être opéré pour changer de sexe. Totalement rejetés par la société, ils n'ont souvent pour recours que le milieu de la prostitution : c’est leur seule façon de se faire accepter et de se procurer l'argent nécessaire à l'opération et, tout simplement, gagner de l’argent pour vivre.

Il semblerait enfin que les hommes soient davantage représentés dans la prostitution de luxe ainsi que dans certaines formes de prostitution de rue, notamment dans les Bois situés à la périphérie de Paris.

2.2 Le quotidien des personnes prostituées

Les personnes prostituées désirent camoufler aussi bien physiquement que dans leur vie privée, ce qui entraîne un dédoublement de leur personnalité : elles se dissimulent sous des surnoms, des comportements, du maquillage... Elles doivent également se préserver du regard de l’autre et de la société.

La difficulté de leur quotidien peut les amener souvent à consommer de l’alcool et de la drogue pour oublier leur situation, ce qui dégrade leur santé générale, avec en plus de fréquents problèmes concernant le dos, les troubles digestifs, les organes génitaux, les maladies sexuellement transmissibles.

Les prostituées sont souvent coupées de leur famille, du monde extérieur et les proxénètes les maintiennent dans leur isolement. Avoir des relations à l’extérieur du milieu prostitutionnel devient quasi-impossible. Cependant, de nombreuses prostituées ont des enfants. Elles les élèvent seules en craignant que ceux-ci aient connaissance de leur activité – le plus souvent dissimulée – ou soient enlevées par les proxénètes.

Selon des enquêtes conduites dans les établissements de l'industrie du sexe en Asie du Sud-Est, Sex Sector15 (selon les auteurs, pays choisis parce qu'ils reflètent les réalités de nombreux autres pays) : Entre 0,25 et 1,5 % du pourcentage de la population féminine se livrerait à la prostitution dans ces pays.

Ces enquêtes révèlent que la grande majorité des femmes qui se prostituent aimeraient quitter cette activité si elles le pouvaient. Pour elles, la prostitution constitue une des formes d'activité les plus aliénantes qui soient.

Plus d'un tiers des masseuses ont "choisi" ce domaine, poussées par la nécessité de pourvoir aux besoins de parents démunis. 8 % pour élever leurs enfants, 28 % pour entretenir leur mari ou leur petit ami. Dans de nombreux pays du monde, c'est aux filles qu'incombe la responsabilité de l'entretien de la famille (parents et enfants). 2 % déclarent aimer ce qu'elles font...

Encore, cette enquête porte-t-elle sur des prostituées qui ont accepté ou eu la possibilité de répondre. Des femmes et des enfants, totalement esclaves sont, bien sûr, exclus de ces résultats et les feraient pencher d'un côté plus négatif.

L'argent de la prostitution sert généralement à acheter de la drogue ou de l'alcool ; il est vite dépensé ou finit dans la poche de toutes sortes de profiteurs, proxénètes ou personnes qui saisissent l'occasion pour faire payer leur service plus cher que leur prix réel. Ces exploiteurs sont habiles à maintenir les personnes prostituées dans un endettement permanent. La prostitution free-lance où la prostituée est indépendante et conserve ses gains est extrêmement marginale.

A un moment donné de leur vie, de nombreuses prostituées entreprennent des démarches de réinsertion auprès d’associations spécialisées afin de retrouver une place dans la société et dans le monde du travail. Mais la réinsertion s’inscrit dans la durée et demande des efforts constants à la personne prostituée qui entretient souvent une image de soi négative, une défiance à l’égard des travailleurs sociaux et de l’administration ainsi qu’une peur du regard de l’autre. La dépendance à l’égard de l’alcool, de la drogue ou de l’argent peut également freiner la réinsertion. En arrêtant son activité, la personne prostituée doit en même temps changer de mode de vie et affronter les problèmes du quotidien. Le cumul de ces difficultés explique que les démarches de réinsertion n’arrivent pas toutes à leur terme... 

Perspectives

Si la personne prostituée a un environnement psychologique social et familial aussi restreint que complexe et ambigu, elle se trouve souvent obligée d’exercer cette activité dans et à cause d’une réelle précarité affective et matérielle. Alors, lorsque certaines personnes prostituées se clament indépendantes et se présentent sous le nom de travailleuses du sexe afin de se montrer sous un jour aussi neutre qu’autonome, il reste à prouver que cette autonomie est fondée : car la prostitution peut-elle être un choix, lorsqu’il s’agit de vendre son corps ?

Il importe donc de prévenir le recours à la prostitution par une mise en place de relais d’informations et de soutien aux personnes en difficulté.

BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE

Témoignages

- Aux Captifs,

La Libération

, Porte Dauphine, Ed. Saint-Paul, 2000.

- CASTIONI Nicole, Le soleil au bout de la nuit, Ed. Albin Michel, Paris, 1998.

- CHALEIL Max, Prostitution : le désir mystifié, Ed. Parangon, Paris, 2002.

- DALLAYRAC Dominique, Le nouveau visage de la prostitution, La révolte contre l’ordre mâle, Robert Lafont, Paris, 1976.

- DUPONT-MONOD Clara, Histoire d’une prostituée, Ed. Grasset, Paris, 2003.

- LIM Lin Lean, The sex sector : the economic and social bases of prostitution in

Southeast Asia

, Bureau International du Travail, Genève, 1998.

- MAILLARD Claude, Les prostituées, Ce qu’elles disent quand elles parlent à une femme, Robert Lafont, Collection « Réponses », Paris, 1975.

- Mouvement du Nid, Revue Prostitution et Société, France.

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