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EDUCATION ET AIDE HUMANITAIRE
24 mai 2008

La prostitution en Europe

une activité en constante mutation

Écrit par Fondation Scelles    

07-06-2006

Le monde prostitutionnel s'est profondément transformé au cours des dernières années. A côté de la prostitution de rue, une prostitution « cachée » se développe, du type salons de massage, bars à hôtesses, agences matrimoniales. Elle est dès lors moins repérable et, par conséquent, la lutte contre le proxénétisme devient plus difficile. Il y a encore quelques années les femmes étrangères, souvent victimes de la traite à des fins d’exploitation sexuelle, exerçaient principalement l’activité prostitutionnelle dans la rue. Les lieux d’exercice de la prostitution étrangère ont aussi évolué pour s’adapter aux nouvelles politiques publiques de la prostitution mises en place dans les différents pays européens. Cette prostitution s’exerce de plus en plus dans des lieux cachés. Mais la prostitution ne se pratique plus seulement dans un lieu unique, elle peut s’exercer alternativement dans la rue et dans des lieux cachés(1).

En outre, un nouveau type de prostitution, difficile à quantifier, émerge autour des journaux gratuits, du minitel et d'Internet. Ces nouvelles « méthodes » sont privilégiées par les personnes prostituées dites traditionnelles et occasionnelles, mêmes si celles-ci trouvent également leurs clients au détour d'une drague au café. Ces femmes-là viennent à la prostitution en raison de situations sociales difficiles (divorce ou endettement). Le développement de ce type de prostitution s'accompagne souvent d'une forme discrète de proxénétisme qui prend un aspect contractuel (location d'appartements ou de chambres d'hôtels).

L'autre transformation de la prostitution à laquelle l'Europe doit faire face est la croissance importante de la prostitution masculine, qui peut atteindre près d'un tiers de la prostitution totale selon les pays concernés. Or, les législations ont souvent été établies en ne considérant que les femmes. C'est le cas de l'Angleterre et le Pays de Galles, ou de

la Grèce. Les

lois doivent donc s'adapter à cette nouvelle réalité. Mais la prostitution masculine reste difficile à appréhender dans la mesure où peu d'études lui sont consacrées. Lorsque le thème est abordé, il l'est le plus souvent du point de vue de la toxicomanie, alors que la réalité de la prostitution masculine est beaucoup plus complexe. Le phénomène concerne à la fois des homosexuels, des transsexuels, des travestis ou des hétérosexuels (agences d'escorts), la clientèle étant très largement masculine.

Si le phénomène reste difficile à analyser, c'est aussi parce que les situations vécues par les hommes sont plus diverses que celles des femmes. Ils sont beaucoup moins victimes de violences, à l'exception des travestis et des transsexuels, recherchés par des hommes hétérosexuels pour leur féminité affichée. Mais le premier facteur, et le plus important, de la transformation des politiques de lutte contre la prostitution est l'apparition des filières de traite d’êtres humains. L’ampleur et la gravité de ce phénomène, déjà signalées précédemment, heurtent gravement la conscience sociale, engendrant ainsi des mesures diverses selon les Etats.

La typologie des lieux de prostitution évolue et se diversifie. Les lieux de prostitution, légalisés ou non, prennent des formes très diverses selon les pays et la législation adoptée relative à la prostitution. On trouve entre autres, des maisons closes, des eros centers, des vitrines, des boxes de travail etc. Les eros centers que l’on retrouve en Allemagne sont des « supermarchés du sexe ». La personne prostituée qui souhaite y louer une chambre n’a d’autre choix que de se mettre sous la coupe d’un proxénète : « sans lui l’inscription est impossible »(2). Les tarifs de location pratiqués sont bien souvent trop élevés et dépassent généralement les tarifs habituels. On trouve également en Allemagne des boxes de travail, pièces dans lesquelles les prostituées exercent son activité sous la surveillance d’un proxénète.

En Belgique, l’activité prostitutionnelle peut s’effectuer dans des carrées.

La Sous-commission

« traite des êtres humains et prostitution » du Sénat belge définit une carrée «  comme un immeuble comportant une ou plusieurs chambres, généralement situées au rez-de-chaussée, où les locataires s‘adonnent à la prostitution à titre individuel (…) contrairement à la prostitution privée, ces immeubles présentent des signes extérieurs qui révèlent leur finalité (l’éclairage au néon par exemple). Les dits immeubles sont dès lors connus comme étant des lieux de débauche »(3).

Les maisons closes, comme il en existe notamment en Autriche et aux Pays-Bas, sont gérées par des tenanciers qui contrôlent toute l’activité. La vie fonctionne en collectivité, les repas sont pris en commun, les couchages sont organisés en dortoir. Pour tous ses besoins personnels, la personne prostituée est obligée de se fournir à l’intérieur même de la maison close. Autant dire que la quasi-totalité de ses revenus revient dans la caisse de la maison close. Les vitrines, comme on en trouve par exemple aux Pays-Bas et en Belgique, sont un lieu clos ouvert sur la rue où l’on expose des femmes aux attitudes suggestives au regard des passants.

En Grèce, la prostitution de rue est quasi inexistante depuis l’adoption d’une loi en 1999 qui prévoit l’interdiction stricte du racolage(4). La prostitution s’exerce, dès lors, essentiellement par le biais des agences d’escort-girls ou dans les lieux fermés tels que les bordels, les bars, les salons de massage(5). Le ministère de

la Justice

estime que 30 000 personnes se prostituent aux Pays-Bas. Les formes les plus connues de prostitution sont les sex-clubs et la prostitution en vitrine. Selon le ministère des Affaires Etrangères(6), 25% des personnes prostituées pratiquent ces formes de prostitution. Le nombre de bordels et de sex-clubs est estimé à envrion 7 000 aux Pays-Bas(7), dont 2 000 bordels(8). On peut également ajouter à cette liste la prostitution dans les hôtels, les bars, les services de call-girls etc. « Dans de nombreuses communes, la prostitution de rue est interdite en raison du trouble à l’ordre public et des nuisances qu’elle peut causer ». La prostitution de rue n’est pas très développée.

L’Office fédéral de la police estime à 14 000 le nombre de personnes prostituées en Suisse dont 7 050 d’entre elles exerceraient dans les cantons de Zurich, Berne,  Bâle, Genève, Lucerne et Tessin. Les personnes étrangères représentent 75% du total de la prostitution, parmi lesquelles on compte beaucoup de Françaises. A ce chiffre, il faut ajouter le nombre de personnes prostituées de sexe masculin, estimé entre 1 000 et 2 000. Les associations d’aide avancent pour leur part le chiffre de 4 000 personnes dont 70% seraient d’origine étrangère(9).

Le phénomène prostitutionnel est en augmentation. La prostitution de rue est importante mais cette activité est aussi très pratiquée dans les salons de massage, les cabarets et les bars. L’Office fédéral de la police estime à environ 700 le nombre de « salons de massage » servant de lieux de prostitution dans les grandes villes (Zurich, Berne, Bâle et Genève). Ces établissements sont le plus souvent situés près des grands axes de communication comme les autoroutes(10). Une loi fédérale autorise les maisons closes depuis 1992. La première maison close a été ouverte à Zurich en 1998. Le nombre de clients allant voir des personnes prostituées en moyenne une fois par mois est évalué entre 200 000 et 280 000. Ce qui représente 10 à 15% des hommes âgés entre 20 et 65 ans.

Selon l’association danoise Pro-Centre, on estime à 6 000 le nombre de personnes prostituées. La prostitution se pratique dans les salons de massage, les « bars à filles » ou par l’intermédiaire des services d’hôtesses (call-girls). Il n’y a pratiquement que les femmes toxicomanes qui racolent dans les rues. La prostitution de rue ne représenterait que 10% du phénomène prostitutionnel(11). Le nombre de salons de massage a d'ailleurs augmenté de façon exceptionnelle et ce sont majoritairement des étrangères qui y travaillent. Les prostituées peuvent également exercer à leur domicile, c'est l'une des raisons pour laquelle le proxénétisme est moins prégnant au Danemark que dans un certain nombre de pays d'Europe.

Selon l’association norvégienne Network north against prostitution and violence, le nombre de personnes prostituées serait compris entre 3 000 et 4 000. 10% de cette prostitution s’exercerait dans les rues. La prostitution enfantine est officiellement inexistante en Norvège. Mais selon les sources non officielles, celle-ci représenterait 6 à 7% du total de la prostitution. La forme de prostitution la plus développée concerne les annonces dans la presse proposant des massages qui, en réalité, cachent des activités prostitutionnelles(12).

L’Italie, avec l’Autriche et le Portugal, était à l’époque l’un des derniers pays européens à réglementer la prostitution. En 1947, on comptait 724 maisons closes en Italie dans lesquelles travaillaient 3 400 personnes prostituées. En 1957, 560 maisons closes étaient encore en activité, employant 2 705 prostituées(13). Il y aurait en Italie entre 50 000 et 70 000 personnes prostituées(14). Selon

la Commission

des affaires sociales, 65% des personnes prostituées exerceraient désormais dans la rue et 25% dans les hôtels ou en appartements. 20% des prostituées seraient mineures(15).

1. Entretien téléphonique avec un membre de l’association Aspasie, décembre 2003.

2.Office fédéral de police, offices centraux de la police criminelle, Rapport de situation de 1999 : drogue, faux-monnayage, traite des êtres humains et crime organisé, p. 55.

3.Save the Children Danemark, Trafficking in children to

Denmark

, décembre 2003, p. 19

4. Entretien téléphonique avec un membre de l’association Network north against prostitution and violence, décembre 2003.

5. L’Espresso 1955-1989, 30 ans de vie sociale , Antonio Gambrino, Editoriale l’Espresso, Trento,

1985, in

Rapport CLES : logement, travail, éducation, santé, Barcelone, Paris, Turin : Interventions sur la prostitution extracommunautaire, Ed. Formazione 80, Otto Editore, Turin mai 2002.

6. Gabriella Meroni, Prostituzione : in Italia aumenta tratta di donne e bambini, Vita non profit online, 2 avril 2004, site Internet : http://www.vita.it

7. Prostituzione in Italia ecco I numeri, 21 décembre 2002,

la Repubblica.it

.

8. Isabela Orfano (Associazione on the road), Italy country reporty, in : Payoke, On the Road, De Rode Draad, Research based on case studies of victims of trafficking in human beings in 3 EU Member states, Belgium, Italy and the Netherlands, 2003, p.151. Projet financé par

la Commission

européenne dans le cadre du programme Hippokrates.

9. Elizabeth Coquart, Philippe Huet, Fondation Scelles, Le livre noir de la prostitution, Albin Michel, 2001.

10. Erika Thijs et Nathalie de T’Serclaes, La traite des êtres humains et la prostitution en Belgique, rapport fait au nom de

la Sous-commission

« traite des êtres humains et prostitution », Sénat de Belgique, Document législatif 2-152/1,12 juillet 2000, p. 27.

11. Source EUROPAP 2000-2001, septembre 2001, cité par Eliza Kolovou.

12. Source du graphique, Gregoris Lazos, avec l’assistance de Maria Zanni, Trafficking in Greece in 2002, Ed. Stopnow-Kede, avril 2003.

13. FAQ prostitution 2004, Questions et réponses sur la politique néerlandaise en matière de prostitution, Publication du ministère néerlandais des Affaires Etrangères, p. 7.

14. Sophie Perrier, Les prostituées deviennent des travailleuses comme les autres, Libération, 3 octobre 2000.

15. "Seal of quality" for better brothels, Reuters, 2 juillet 2004.

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