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EDUCATION ET AIDE HUMANITAIRE
5 avril 2007

cri de révolte contre la prostitution enfantine

Cri de révolte contre la prostitution enfantine
Une interview de Sirirat Pusurinkham, femme pasteur en Thaïlande

Thaïlande... prostitution enfantine... sida... Autant de mots pour dire l'atrocité, le scandale du tourisme sexuel dans cette Asie du Sud-Est tant convoitée par les amateurs de dépaysement. Sirirat Pusurinkham bénéficie d'une formation théologique. Elle s'occupe des victimes de ce fléau dans les rues de Bangkok. Elle pousse un cri d'indignation.

Certitudes : En quoi la prostitution enfantine est-elle un problème important en Thaïlande ?

Sirirat Pusurinkham: De nombreux étrangers viennent en Thaïlande avec beaucoup d'argent. Ces hommes achètent des garçons et des filles pour s'amuser. Je leur ai demandé pourquoi ils venaient dans mon pays pour ce genre de commerce. Ils m'ont répondu que s'ils ne venaient pas, les enfants prostitués ne recevraient pas d'argent ! Les travailleurs sociaux estiment à 800 000 le nombre d'enfants prostitués actuellement en Thaïlande.

- Cela semble impossible...

- Beaucoup de gens disent que c'est impossible ! Mais d'après ce que j'ai pu étudier, c'est à peu près cela. On rencontre la prostitution enfantine jusque dans les restaurants !

- Vous avez dit que vous parliez parfois à des étrangers. Que leur dites-vous ?

- Rentrez dans votre pays ! (Go home !)

- Quel est l'âge des enfants qui se prostituent ?

- Ils ont entre 6 et 18 ans.

- Est-il exact que des Occidentaux ont des relations sexuelles avec des enfants de 6 ans ?

- Oui, c'est vrai. J'ai même des vidéos Parmi les hommes qui viennent en Thaïlande, 70 % veulent utiliser des enfants prostitués. Ils pensent que les enfants sont vierges, donc non atteints par le sida. Cette terrible maladie est arrivée en Thaïlande en 1984. Elle s'est répandue dramatiquement. Maintenant même les enfants meurent du sida. Lorsque nous voyons un homme avoir des relations sexuelles avec un enfant, nous appelons la police pour qu'elle le punisse.

Sirirat Pusurinkham est pasteure de l'Église presbytérienne de Thaïlande. À 34 ans, elle est membre du Conseil directeur de l'Institut cuménique de Bossey à Céligny. Elle a exercé pendant 11 ans un ministère pastoral parmi la jeunesse. Après un temps consacré à l'animation d'un centre pour étudiants à Bangkok, elle voue le plus clair de son activité aux victimes de la prostitution. Elle prépare actuellement un doctorat sur ce sujet à San Francisco (USA).

- Les étrangers peuvent donc être punis par votre gouvernement ?

- Le dernier gouvernement voulait punir la prostitution enfantine et l'endiguer, mais ce ne fut que de courte durée. Le nouveau gouvernement parle encore d'enrayer cette pratique, mais il ne fait rien de concret.

- Quand la prostitution enfantine est-elle apparue en Thaïlande ?

-

La Thaïlande

a décrété 1987 année du tourisme. C'est à partir de ce moment-là que la prostitution a connu un véritable essor. Le gouvernement a encouragé les étrangers à venir dans notre pays, mais il n'a pas protégé les autochtones !

- Combien vend-on un enfant pour la prostitution ?

- Pas cher, environ cinq cent francs suisses. Cela dépend de la beauté et de l'âge de l'enfant. C'est terrible pour certains parents ! Les Thaïs sont à 80 % paysans. Ils travaillent de leurs mains, mais la culture du riz ne rapporte plus suffisamment. Beaucoup décident d'emprunter de l'argent à la banque. Et souvent ils ne peuvent pas rembourser... La culture thaïlandaise veut que les filles, par gratitude, s'occupent de leurs parents. Alors, elles sont vendues pour permettre à une famille de survivre. Certains parents disent : " Ma fille travaille dans un restaurant..." et ils ne se sentent pas fautifs. La plupart ne savent souvent pas ce que fait leur fille...

- Souhaiteriez-vous punir ces parents ?

- Oui, c'est une question de respect des Droits de l'homme. Si l'on est parent, on n'a pas le droit de salir comme cela son enfant. Il faut le respecter. L'enfant est un don de Dieu, créé à son image. Les enfants se retrouvent dans une situation terrible. Sans espoir... Même leurs parents les ont vendus et ils les ont conduits à la mort ! Dans certains villages, on sait que des filles envoient de l'argent à leurs parents. Ceux-ci construisent de nouvelles maisons, ou alors l'argent permet aux jeunes frères d'aller à l'école.

- Pourquoi une telle pratique est-elle possible en Thaïlande ?

- La pauvreté et l'appât du gain favorisent cela. Le gouvernement ne fait rien non plus et il n'y a pas d'assurances sociales.

- L'éducation des filles ne pourrait-elle pas représenter une contribution gouvernementale importante à l'éradication de la prostitution ?

- Pour moi, c'est la clé du changement. Chacun a droit à l'éducation. Pas seulement pendant 6 ans mais plus longtemps encore. Le gouvernement doit octroyer des bourses aux filles, car beaucoup finissent leurs six ans de scolarité et n'ont pas d'argent pour poursuivre leur formation.

- Que font les Églises, ou les chrétiens, contre la prostitution ?

- Certains pasteurs sont très engagés, mais il y a un grand sentiment d'impuissance. D'autres chrétiens toutefois ne veulent pas se trouver dans une situation difficile. Les hommes d'affaires sont très puissants, et l'argent peut faire beaucoup. Moi je parle, et les autres femmes pasteures parlent aussi. Chez nous, un homme n'a pas de contact avec une prostituée, c'est tabou ! Une femme pasteur n'a pas ce problème, elle peut pleurer avec une prostituée.
J'ai travaillé plus de 10 ans avec des prostituées à Bangkok et à Chiang-mai. J'étais leur amie, elles venaient dans ma maison. J'étais une sorte de pasteure de rue ; mon Église et mes parents me soutenaient.

- Comment voyez-vous l'avenir de votre travail ?

- Ma famille et des amis du monde entier me soutiennent. Quand je prêche, je ne veux pas seulement que les gens pleurent, mais je souhaite que nous nous aidions les uns les autres. Ma contribution est réduite, mais beaucoup de gens font de petites choses. Et nous avons confiance en Dieu pour venir à bout de ce problème. En Thaïlande et au-delà chacun doit apprendre à aider son prochain. N'est-ce pas une dimension essentielle du message du Christ?

Propos recueillis par Serge Carrel

Mes parents, m'aiment-ils ?*

Mon nom est Tong. Et j'ai 14 ans.

Beaucoup me demandent pourquoi mes parents m'ont vendue, pourquoi ils m'ont laissé partir à Bangkok. Était-ce à cause de la famine? De la pauvreté? Par appât du gain?

Je ne sais pas. À l'époque j'étais trop jeune pour répondre à ces questions. Mais je sais une chose. Mes parents ont reçu passablement d'argent quand ils m'ont vendue. Ils en ont même eu assez pour acheter un buffle...

Mon village porte le nom de Ban-Payang, Chiengrai. Il n'y a presque plus de jeunes filles dans cet endroit occupé à la culture du riz...

* Cet extrait de témoignage a été mis en forme par Sirirat Pusurinkham.

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